On dit qu’une sculpture née de son créateur. J’ai plutôt l’impression d’avoir toujours été là et qu’ ELLE a su me trouver. Moi, mon corps et ma fragilité. Je sentais ses doigts sur moi, modeler l’argile dont je suis faite pour me découvrir. Enlever le surplus pour m’avoir tout entière, remodeler mes contours pour en saisir le vrai.

 

On dit qu’ELLE me dessine, on oublie que c’est une aventure à deux, que moi aussi je la guide. ELLE a su m’écouter, ELLE a su me donner vie parmi un tas d’argile et c’est comme cela que sur un établi je suis née aux yeux de ceux qui ne sculpte pas. 

 

Bien vite après notre rencontre, il faut figer la terre pour que je puisse enfin résister à la vie. C’est une étape difficile pour ELLE, je le vois. ELLE a peur à la cuisson. Maintes fois, ELLE est venue me voir quand la chaleur du four durcissait ma robe. J’ai senti ses yeux heureux se poser sur moi lorsque j’en suis sortie, entière. 

 

Le temps de l’argile, c’était notre complicité entre ELLE et moi, il était révolu. J’ai voyagé longtemps parmi des flocons de polystyrène. J’avais peur de m’y perdre, de me casser, de ne redevenir qu’un amas de terre. Puis en retrouvant la lumière, c’était de nouveau ELLE. Sa vue m’a rassuré pendant que je prenais place dans une très belle galerie. Bientôt le monde entier pourrait enfin me voir.

 

Trois jours durant, je me suis laissée regardée, ma sensualité mise à nue. Ce secret entre ELLE et moi exposée au grand jour. J’étais fière de ce qu’on avait accompli, ensemble. 

Le jour où l’on a placé sur mon socle une pastille rouge, j’ai compris que j’allais changer de main. J’ai eu un pincement au cœur, notre aventure toutes les deux aller prendre fin et un nouveau décor m’attendait. 

 

Enfin grâce à ELLE et à ceux que j’ai touché, je vais vivre sur Terre. 

Mais je n’oublierai jamais la sculpteuse qui a su me trouver.                                                                                    Emma Lanctuit Nov 21